En 2018, on dénombre 500 000 personnes handicapées en recherche d’emploi, soit un taux de chômage à 19 % contre 9 % pour le total de la population active.

Pour sensibiliser les entreprises à cette problématique, avait lieu du 18 au 24 novembre 2019 la 23ème édition de la semaine européenne de l’emploi pour les personnes handicapées. Un évènement, organisé par L’association pour l’Insertion Sociale et Professionnelle des personnes handicapées (LADAPT), qui a pour but de promouvoir leur insertion sur le marché du travail.

Par ailleurs, cette année a été marquée par plusieurs changements législatifs en matière d’emploi des personnes handicapées, notamment via la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » qui réforme l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH). Ainsi, à partir du 1er janvier 2020 :

  • Toute entreprise, d’au moins 20 salariés, devra employer des personnes en situation de handicap dans une proportion de 6 % de l’effectif total
  • Toute entreprise aura une obligation de déclaration des travailleurs handicapés
  • Les entreprises comptant 250 salariés et plus seront dans l’obligation de recruter un Référent Handicap

Retour sur les conséquences de ces évolutions pour les entreprises et sur les actions qu’elles peuvent mettre en place avec Jane Gancel, chargée de mission diversité à la Direction des ressources humaines chez Klesia.

Quel est l’impact de la réforme de l’OETH pour les entreprises ?

Cette réforme a deux impacts importants :

  • Premièrement, la déclaration des travailleurs handicapés sera directement intégrée à la Déclaration sociale nominative (DSN) et il s’agira d’une déclaration mensuelle et non plus annuelle, ce qui facilitera le suivi des données mois par mois
  • Deuxièmement, le calcul des unités bénéficiaires va changer puisque dorénavant on comptera uniquement l’emploi direct c’est-à-dire la présence effective des personnes en situation de handicap en poste dans l’entreprise. Pour établir ce décompte, les entreprises devront rattacher l’ensemble de leurs établissements quels que soient leurs effectifs pour faire une déclaration globale, ce qui viendra augmenter l’effectif de base d’assujettissement et donc leur obligation. Cette mesure permettra ainsi à toutes les entreprises de s’investir en fonction de leur effectif réel.

Que se passe-t-il lorsqu’une entreprise ne respecte pas son obligation ?

Comme auparavant, elle sera redevable d’une contribution, calculée en fonction du nombre de bénéficiaires manquants au regard des informations renseignées via la DSN. Cette contribution continuera d’être versée annuellement.

Par ailleurs, s’il existe toujours un système de déduction, il a été fortement réduit aux situations suivantes :

  • Réalisation de travaux pour rendre les locaux accessibles
  • Mise en place de moyens techniques et humains de compensation du handicap
  • Actions de sensibilisation et de formations des salariés afin de faciliter la prise de poste

Ce sont les trois dernières catégories de déductions qui restent en place.

De plus, les dépenses déductibles sont plus encadrées qu’avant, le but du gouvernement étant de favoriser l’emploi direct.

Quelle est la différence entre l’emploi direct et l’emploi indirect ?

L’emploi direct est le fait de recruter directement des personnes reconnues en situation de handicap, bénéficiaires de la loi, avec une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), une invalidité ou un autre titre de bénéficiaires de la loi.

L’emploi indirect est le fait de travailler avec des entreprises adaptées ou des Établissements et service d’aide par le travail (ESAT), pour effectuer certaines prestations. À 80 %, ces établissements ont des effectifs en situation de handicap qui proposent des prestations spécifiques (entretien d’espaces verts, traitement d’archivage, restauration, etc.).

Avant la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », une entreprise pouvait utiliser les services de ces établissements, les déclarer comme des unités bénéficiaires, et remplir ainsi jusqu’à la moitié de son obligation (3 %) uniquement avec l’emploi indirect.

À partir du 1er janvier 2020, passer par une entreprise adaptée ou un ESAT ne pourra plus être comptabilisé dans l’obligation, même si cette démarche continuera à être valorisée au titre des dépenses déductibles.

Qu’est-ce que vous conseillez aux entreprises qui souhaitent remplir leur obligation ?

Klesia est très investi sur le sujet depuis de nombreuses années sur l’impulsion de sa Direction générale et de son Directeur des ressources humaines. Or l’un des premiers leviers d’action pour une entreprise qui souhaite s’investir sur la thématique de l’insertion des personnes handicapées, c’est de partager cette conviction avec tous les niveaux de sa structure, en particulier ses managers. Un service des ressources humaines ou une chargée de mission handicap ne pourront pas agir seul. C’est une décision et une conviction qui doivent être portées par toute l’entreprise.

Ensuite, il y a un travail conséquent de formation et de communication à mettre en place :

  • Pour l’externe : il faut que les recruteurs soient formés, qu’ils sachent quel prestataire contacter et avec lesquelles travailler, pour obtenir le plus de candidatures possibles de personnes en situation de handicap. Pour notre part, nous travaillons avec les forums virtuels, notamment HELLO HANDICAP, qui nous fournissent beaucoup de candidatures et nous participons également à des handicafés, menés par la Fédération des personnes handicapées étudiantes (FEDEEH). Il est important de multiplier les canaux de sourcing.
  • Pour l’interne : un travail régulier de communication peut être fait pour créer un climat de confiance qui incitera les personnes en situation de handicap à communiquer sur leur statut ; il faut qu’elles sentent qu’elles peuvent avoir confiance en leur entreprise si des adaptations de poste sont nécessaires : aménagement d’horaires, télétravail, etc.

C’est une question de recrutement mais aussi d’accompagnement et de maintien dans l’emploi de ces salariés.

Quel est le rôle de la mission handicap ?

À partir du moment où l’entreprise décide de s’engager dans une politique d’emploi des personnes en situation de handicap et met en place une mission handicap, une première étape est franchie.

Le rôle de la mission handicap sera alors de proposer des formations qui vont dans ce sens, au comité exécutif aussi bien qu’aux managers et qu’aux collaborateurs. En termes de formations, l’ensemble des situations de handicap peut être abordé.

Pour cette deuxième étape ce sont la pédagogie, l’accompagnement et la sensibilisation au quotidien qui importent. Et le message doit repasser. Ce n’est pas parce qu’une formation a déjà eu lieu qu’on ne la propose pas à nouveau à nos collaborateurs.

Récemment, nous avons commencé à mener une formation nommée KIALATOK qui propose d’aborder la question du handicap à travers une expérience de cuisine. Chaque personne est mise en situation de handicap, visible ou non, pour lui permettre de se rendre compte des difficultés et contraintes rencontrées. La formation se poursuit ensuite avec une partie plus théorique, faite de quiz et de mises en situation concrète. On essaye d’être le plus concret possible et le plus proche du terrain. Le but d’une telle formation est d’être en mesure de prendre en compte, dès l’étape du recrutement, les besoins d’une personne en situation de handicap, pour l’accueillir dans les meilleures conditions puis tout au long de sa carrière.

Comment une entreprise peut-elle valoriser les actions qu’elle met en place ?

En ce qui concerne Klesia, nous nous sommes engagés, depuis 2015, dans une démarche de labellisation. Il s’agit du label AFNOR qui inclut toutes les thématiques de la diversité. Nous venons de renouveler notre label pour 4 ans, après avoir passé un audit en 2019.

Cela nous incite à aller plus en avant, sans nous reposer sur notre taux d’emploi de personnes handicapées, actuellement à 6,9 %. Au contraire, ce label est une incitation à continuer à prendre des initiatives.

Par exemple, nous participons au DUO DAY ; un dispositif qui vise à accueillir, pendant une journée, une personne en situation de handicap pour créer un duo avec un salarié, dans le but de lui faire découvrir un secteur d’activité. Cette année ce sont les membres de notre comité exécutif qui se sont prêtés au jeu.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Oui. Le but de la loi est l’insertion de compétences avant tout, en proposant de compenser les éventuelles contraintes liées au handicap quand cela est nécessaire. Ce n’est pas l’insertion du handicap, mais de personnes qui ont envie de travailler et qui ont des compétences à apporter aux entreprises.

Les questions à se poser sont : comment on s’adapte ? Comment mettre en place les ressources nécessaires pour qu’une personne en situation de handicap puisse offrir le maximum de ses compétences ?